HARVARD BUSINESS REVIEW FRANCE
Publié sur Harvard Business Review France le 05/12/2017
L’exploitation des données n’est pas qu’une histoire de marketing.
par Linda Attari, Jean-Baptiste Besson
L’exploitation des données n’est pas qu’une histoire de marketing.
La troisième révolution industrielle est celle du capitalisme cognitif, celle du savoir. La création de valeur passe par la production de connaissance, un bien cumulatif, non exclusif et non rival, enrichi chaque jour par de nouvelles informations. Cet essor est accéléré par la multiplication des sources de création de données (informatique, téléphonie, métadonnées…), l’explosion des capacités de stockage, le progrès des solutions logicielles et de l’IoT (Internet of Things, ou Internet des objets). Nous sommes pleinement entrés dans l’ère du big data, ou des mégadonnées (lire aussi l’article : « Ubiquité numérique »).
Une ère nouvelle déjà esquissée dans les œuvres de science-fiction. Jules Verne imaginait ainsi, il y a près de 130 ans, un appareil de communication digitale utilisant la donnée. Parue pour la première fois en 1889 en langue anglaise dans « The Forum », sa nouvelle visionnaire, « La Journée d’un journaliste américain en 2889 », faisait état d’une console émettrice-réceptrice d’informations, prémices du modèle de communication du chercheur Harold Dwight Lasswell.
Au-delà du marketing digital
Aujourd’hui, la réalité a dépassé la fiction : les technologies d’exploitation des données impactent déjà l’ensemble des secteurs (agricole, industriel et tertiaire), des filières et des métiers. Spontanément, les solutions prédictives sont souvent pensées pour être utilisées dans le cadre du marketing digital. Les outils technologiques permettent en effet d’analyser la situation, le contexte et le comportement de millions de consommateurs en temps réel, de prédire leurs réactions et d’ainsi proposer, par anticipation, des offres et des messages personnalisés (lire aussi la chronique : « Le marketing des petites choses »).
Au-delà des enjeux marketing, l’exploitation des données permet aussi d’envisager de nouvelles opportunités commerciales, de réduire significativement les risques d’erreur et de panne, d’optimiser l’outil productif et la supply chain… Les applications « métier » prennent forme, et les usages de l’analyse prédictive se développent rapidement. Voici trois exemples permettant d’appréhender l’étendue des possibilités offertes.
Optimiser les stocks
Le site de mobilier design à petits prix Made.com, fondé en 2010 par deux jeunes Français, utilise la data pour anticiper ses ventes, ses approvisionnements, et donc optimiser ses stocks. Depuis sa création, Made.com a massivement collecté des données sur le comportement des internautes sur leur site. En analysant les premières navigations sur la page d’un nouveau produit, les équipes de Made.com anticipent les achats à venir et ajustent ainsi leurs propres commandes auprès des designers. Grâce à ce modèle prédictif, près de la moitié des produits arrivant dans leurs entrepôts de stockage ont déjà un acquéreur. L’analytique est au cœur de la gestion commerciale et de la chaîne d’approvisionnement du pure player.
Parfaire la logistique inverse
Zalando, acteur majeur du prêt-à-porter en ligne en Europe, a été un des premiers pure players de la vente en ligne à proposer, dès 2008, la gratuité des frais de retour des produits sous un délai de 100 jours – plus de 50% des produits vendus en Europe font désormais l’objet d’un retour. Une stratégie centrée sur la satisfaction client mais au coût important pour l’entreprise d’e-commerce allemande. Tout l’enjeu pour Zalando est donc d’innover et d’optimiser la supply chain, notamment la logistique inverse ou logistique des retours. L’exploitation et l’analyse des donnée permettent à Zalando de prédire la zone géographique dans laquelle le produit retourné a le plus de chance d’être revendu et d’ainsi déterminer la plateforme de retours la plus proche du futur potentiel client. Le produit est donc plus rapidement remis dans le circuit de commercialisation et de distribution.
Réduire les risques de rupture
L’entreprise lilloise Vékia propose à leurs clients dans le retail une solution prédictive qui analyse, en complément des simples informations produit, l’ensemble des données de ventes, de stocks, d’avis des consommateurs, des réseaux sociaux, de la publicité, des données météorologiques, etc. Leurs modèles prédictifs cherchent à définir le comportement d’achat du consommateur en boutique afin d’optimiser l’approvisionnement, la gestion des stocks, le placement produit en magasin et ainsi de suite. Le tout afin d’éviter les risques de rupture. A la clé : hausse du chiffre d’affaires, diminution des coûts et hausse des marges commerciales.
Cinq nouveaux axes de développement
Nombreuses sont les opportunités envisageables au regard de l’essor des nouvelles solutions d’exploitation des données. Cinq axes majeurs de développement sont aujourd’hui en cours :
1. Une plus grande compréhension des comportements du consommateur et une optimisation de l’expérience client par l’exploitation des données dites non structurées : photos, blogs, articles, avis et commentaires.
2. Une optimisation des processus de production et de la chaîne d’approvisionnement.
3. La prise en compte d’une diversité accrue de données : emails, photos, vidéos, fichiers, commentaires sur les réseaux sociaux, signaux GPS, transactions bancaires, sons, messages vocaux…
4. Une meilleure valorisation de la donnée (quantité et qualité des données).
5. De nouveaux usages offerts par la géolocalisation, les terminaux mobiles et l’IoT.
L’écosystème de la data se nourrit chaque jour un peu plus donc de la variété des données d’Internet, du Web social et des objets connectés, renforçant ainsi en retour leur volume, leur vélocité, leur véracité et leur valeur. La data offre de réelles opportunités pour les entreprises, mais aussi pour tous, car les secteurs de l’environnement, de la santé et du social bénéficieront des apports de l’analyse prédictive.
Cette chronique a été initialement publiée sur le site de Harvard Business Review France.
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