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4P : comment repenser la relation client à l’heure du numérique – Harvard Business Review

Publié sur Harvard Business Review France le 13/02/2019

Faciliter le parcours d’achat grâce au numérique tout en réussissant à créer de la proximité, c’est tout l’enjeu de la relation client aujourd’hui.

Après avoir fait beaucoup écrire et parler, la transformation digitale connaît désormais une véritable accélération. Pas une semaine sans qu’un acteur du secteur de la distribution n’annonce un plan de transformation, une alliance avec un autre acteur du secteur ou un nouveau concept. Les enjeux du commerce sont en effet immenses : omnicanalité, digitalisation des points de vente, personnalisation de l’offre, enrichissement de la relation et de l’expérience client, optimisation de la logistique, protection des données personnelles…

Aucune enseigne n’y échappe, mais surtout ne peut y échapper, au risque de péricliter. Les récentes difficultés de Toys’R’Us, de la Grande Récré, de New Look, de Mim ou du groupe Happychic (Brice, Jules…) sont des rappels à un impératif de transformation profonde pour chaque entreprise de l’ancien monde. Mais pour celles du nouveau monde, l’heure est aussi à la transformation. Nés par et dans le digital, les géants du e-commerce sont désormais confrontés à un double impératif : se rapprocher physiquement du client et nouer avec lui une relation de confiance.

Car la transformation digitale oblige les entreprises à revenir à l’essence même du commerce : le client. Replacer le consommateur au cœur de la stratégie, dans une perspective « consumer centric », c’est rappeler le modèle des 4C, mis en evidence dans les années 1990 par Robert Lauterborn, professeur de marketing à l’université de Caroline du Nord : Consommateur, Coût, Commodité d’achat, Communication communautaire. Mais cela ne suffit pas car repenser la relation client à l’ère numérique, c’est aussi désormais s’appuyer sur les 4P de la transformation digitale : Partenariat, Parcours client, Personnalisation et Protection des données.

1- Partenariat

Réussir sa transformation digitale, c’est savoir s’associer entre acteurs de l’ancien et du nouveau monde. Les acteurs historiques du commerce doivent « ré-enchanter » le parcours client, offrir de nouvelles expériences, fidéliser… Les acteurs du numérique, quant à eux, doivent se rapprocher du client, lui permettre de toucher et de tester le produit, de récupérer facilement son produit et de pouvoir le renvoyer tout aussi simplement si besoin. Dans cet environnement complexe, les acteurs de la distribution, les marques et les pure player du web ont compris que leurs intérêts réciproques appelaient à des alliances fortes.

Cela passe, tout d’abord, par des partenariats dans le domaine des achats pour renforcer l’offre et optimiser la chaîne logistique. Tel a été le choix de Carrefour en s’associant à Système U, de Auchan avec Casino ou encore des Galeries Lafayette avec La Redoute. Et ce alors que les entreprises doivent apporter des réponses fortes face aux enjeux de la complexification de la logistique, du dernier kilomètre et de la reverse logistic, celle des retours clients. Leroy Merlin s’est, par exemple, associé avec FrizBiz, pour offrir un service de pose express. Souhaitant réinventer le parcours livraison en partant du client, l’enseigne de grande distribution spécialisée dans le bricolage a noué une alliance avec la startup française de services entre particuliers, autour d’une proposition client : être livré et avoir les meubles de son choix montés chez soi.

Cela passe aussi par des partenariats dans le but de s’internationaliser. A l’image de l’alliance Tesco-Carrefour ou de Fnac-Darty-MediaMarkt. Dans un environnement dans lequel le « winner takes all » et la recherche de la taille critique se décline à l’échelle mondiale, les acteurs du commerce ont compris que seules les alliances permettaient de rivaliser à armes égales.

Ce type de partenariats peut enfin permettre d’accélérer les ventes dans une réelle approche « omnicanale » et « phygitale ». Telles les alliances entre Monoprix et Amazon, Walmart et Google, Auchan et Alibaba, Carrefour et Google ou enfin Monoprix et Sarenza. C’est d’ailleurs sur le marché chinois que les mutations sont les plus rapides et spectaculaires. Les Chinois, ultra-connectés, viennent définitivement d’abolir la frontière entre l’e-commerce et les magasins en « briques », en laissant se développer de nombreuses boutiques (en forme de conteneurs maritimes) sans personnel et en accélérant ainsi l’essor du phygital, le O2O (online to offline). Selon une étude récente du BCG, 75% des ventes de détail se feront en effet encore en boutique d’ici 2025.

2- Parcours Client

La transformation digitale offre aux acteurs du commerce de nouvelles opportunités pour repenser, analyser, comprendre et optimiser le parcours client. Le consommateur maîtrise désormais pleinement la recherche et l’achat en ligne ou en magasin, ce qui complexifie son parcours d’achat. De la recherche en ligne à l’achat en magasin, ou du test en boutique à la commande sur application et la réception du colis en boutique, le consommateur est définitivement ROPO (Research Online / Purchase Offline et inversement). Le parcours d’achat est donc à l’image du commerce : phygital.

Les outils d’analyse du parcours client en ligne doivent désormais s’enrichir de l’analyse du parcours physique. Connaître le nombre de clients, le temps passé, le taux de transformation… est désormais possible en boutique. Des spécialistes de l’analyse du parcours clients, tel que le français Digeiz, offrent aujourd’hui aux commerçants des outils adaptés pour « suivre » leurs clients, grâce à des technologies wifi, des ultrasons, du mobilier connecté, de la vidéo, du téléphone…

Le consommateur est en effet doublement mobile, puisqu’il est en constant mouvement et en contact permanent avec son téléphone mobile. Ce dernier est donc naturellement aujourd’hui l’outil essentiel pour conserver le contact. Le lancement du 4 Casino, à Paris, une boutique entièrement digitalisée de trois étages, ouverte 24h/24, alliant épicerie, cave, showroom Cdiscount et restaurant, prouve une nouvelle fois, après Amazon Go, les magasins sans caisse du géant de Seattle, que l’application mobile peut être à la fois un pass pour accéder à la boutique, un outil pour scanner les produits et une interface de paiement. Elle est l’outil idéal pour analyser les parcours clients online et offline. Partant de cette analyse, les entreprises doivent désormais simplifier, optimiser, personnaliser et fluidifier le parcours, en levant tous les freins, obstacles et frictions, mais aussi en captant de la donnée, pour mesurer au plus près la performance des actions commerciales et obtenir en temps réel des ROI précis.

La capacité technique pour une entreprise de garder le contact avec le client, qu’il débute son parcours sur un réseau social ou en boutique, jusqu’à la prise en main du produit, est désormais un enjeu commercial, technologique, juridique et éthique. Car l’enjeu pour les entreprises est de répondre au mieux et au plus vite aux besoins des clients, tout en respectant leurs vies privées.

3- Personnalisation 

La transformation digitale doit aussi, pour tenir ses promesses envers le consommateur, lui offrir une expérience et une offre sur mesure, personnalisée. Le client doit être l’unique obsession des entreprises. Et son expérience d’achat est un critère plus important aujourd’hui que le prix et la diversité de l’offre. Cette personnalisation doit se comprendre comme une connaissance et une compréhension du client en tant que personne. Si tout se digitalise, le consommateur reste un être humain qui attend de la reconnaissance.

Le digital offre des opportunités immenses pour permettre au vendeur de mieux connaître son client, ses habitudes, son historique d’achats, ses points de fidélité non utilisés… Là encore, la carte de fidélité digitalisée sur l’application est la courroie de transmission du parcours phygital.

 4- Protection des données 

La transformation digitale puise dans la production, la collecte et l’exploitation des données, l’énergie de son accélération. Les data offrent de réelles opportunités pour mieux répondre aux attentes des consommateurs. Elles sont aussi une ressource précieuse pour optimiser l’outil de production, la logistique, la relation client après-vente. Mais les récents scandales sur l’utilisation abusive et frauduleuse des données personnelles sont venus rappeler, à juste titre, au consommateur-citoyen qu’il était le producteur de ces données. Et qu’il devait être reconnu, protégé et pourquoi pas rémunéré pour cela. La mise en application du Règlement général sur la protection des données (RGPD), le 25 mai 2018, a accéléré cette prise de conscience salvatrice. Les entreprises, au-delà d’une obligation morale, ont désormais une responsabilité juridique. Le Comité européen de la protection des données (CEPD), l’autorité européenne qui a remplacé le G29 (un organe consultatif européen indépendant sur la protection des données et de la vie privée), est chargé de contribuer à l’application du RGPD, avec l’appui des autorités nationales de contrôle. En France, la CNIL contrôle mais aussi accompagne les entreprises dans leur obligation de mise en conformité. Elle peut aussi attribuer le label Gouvernance Informatique et Liberté. En répondant aux 25 exigences de la CNIL, Cdiscount est devenu, fin 2018, le premier e-commerçant à recevoir ce label. Au-delà de l’impératif juridique, les entreprises doivent désormais être pleinement transparentes en ce qui concerne l’utilisation faite des données personnelles de leurs clients. Le RGPD et le label de conformité sont une réelle opportunité pour renforcer la relation de confiance avec le client. En cas de succès, le RGPD pourrait faire émerger un standard mondial. Plusieurs états discutent actuellement de dispositifs proches. L’Etat de Californie a d’ailleurs franchi le cap, en adoptant le California Consumer Privacy Act (CCPA), l’été 2018, qui s’inspire directement du dispositif européen.

La transformation digitale transforme le commerce et l’économie dans son ensemble. Les profondes mutations en cours obligent les entreprises à s’engager sur tous les fronts. Pour répondre aux nombreuses opportunités qui sont offertes et mais aussi réagir efficacement face aux menaces potentielles, elles doivent s’engager pour, avec et aux côtés de leurs clients dans une démarche de partenariat, pour enrichir le parcours client, personnaliser l’offre tout en assurant la protection des données personnelles. Les 4P sont la clé de la réussite de la transformation digitale.

Cette chronique a été initialement publiée sur le site de Harvard Business Review France

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Par Jean-Baptiste BESSON

Consultant indépendant - Fondateur du Cabinet BESSON Conseil depuis 2010