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Impôt sur le Revenu – Allez au bout de la réforme – Les Echos

POINT DE VUE – Publié dans Les Echos – 22 mai 2018

Le prélèvement à la source entrera en vigueur début 2019. Après avoir modifié le mode de collecte, finissons la réforme en refondant l’impôt sur le revenu.

En ce mois de mai, les particuliers découvrent dans leur déclaration pour l’impôt sur le revenu la réforme de son prélèvement, prévue pour janvier 2019. Loin d’une refonte de l’impôt, il s’agit d’une modification de son mode de collecte. Comme tout changement, celui-ci suscite incertitudes, inquiétudes et critiques. D’autant plus qu’il touche à la chose fiscale. 

Concrètement, la déclaration de revenus à remplir en 2018 va permettre de déterminer l’impôt dû sur les revenus 2017, mais aussi le taux par défaut qui servira au prélèvement à la source à compter de janvier prochain. Ce taux pourra néanmoins être, sur choix des contribuables, soit « individualisé » en cas de disparité de revenus dans le couple, soit « neutralisé » pour s’assurer du secret fiscal vis-à-vis de l’employeur.

Fausse simplification

La simplification n’est donc pas au rendezvous, puisque la déclaration annuelle restera malgré tout de mise ; les revenus de capitaux mobiliers et plus-values ne sont pas concernés ; la notion de foyer fiscal est maintenue ; les entreprises craignent les contestations et complexités administratives ; enfin, les crédits et réductions d’impôt demeurent tout en perdant en lisibilité. 

Ainsi, à moderniser le mode de collecte sans réformer en profondeur l’impôt lui-même, le risque est de créer un système encore plus opaque et donc de nuire au consentement à l’impôt. 

A prendre le risque du changement, autant donc engager une réforme profonde. Car individualiser le prélèvement tout en conservant la nature même du foyer fiscal est inintelligible mais pourtant bien compris par les Français. En cas de revenus différents dans un même foyer fiscal, le taux moyen s’appliquerait à tous ses membres. Or l’effort contributif de chacun à l’impôt étant par nature différent, les contribuables vont majoritairement demander un taux individualisé. En cas de sources différentes de revenus, de dépenses ouvrant droit à crédit d’impôt, de naissances, de mariage ou divorce, les contribuables devront malgré tout attendre la déclaration annuelle pour réajuster les prélèvements avec la réalité de l’impôt dû. 

Deux pistes

Deux pistes sont envisageables en l’état : soit la nature familiale de l’impôt demeure, auquel cas il suffirait d’imposer le paiement par prélèvement mensuel ; soit elle disparaît et on décide d’une individualisation de la contribution. 

Le chantier est complexe, mais il mérite débat. Un taux d’imposition individuel, fonction du niveau de revenu pour conserver la progressivité de l’impôt, pourrait être aisément prélevé à la source pour tous les revenus du travail ou de remplacement (retraite, chômage…). Pour les revenus de capitaux ou fonciers, pour les plus-values, un taux forfaitaire unique pourrait être généralisé. 

Individualisation ne signifierait pas la fin de la prise en compte des charges familiales dans le calcul de l’impôt. Chaque enfant à charge ouvre droit actuellement à une demi-part ou une part supplémentaire. Mais cet avantage est déjà plafonné et ne peut générer une économie supérieure à 1.527 euros par an. Nous pouvons donc imaginer une solution plus simple. Chaque parent, individuellement, pourrait donc avoir droit à une réduction de son impôt de 780 euros par an, soit 65 euros par mois. 

Pour les indépendants, commerçants, professions libérales, aux revenus variables, les déclarations mensuelles de TVA (ou de revenus pour les micro-entrepreneurs) pourraient contenir une case précisant la rémunération du mois de l’indépendant ou gérant. L’impôt, mais aussi les cotisations sociales, pourraient être ainsi calculés et prélevés à la source. 

La volonté de simplification doit cesser de mener, comme souvent, à une complexité accrue, en raison de notre incapacité collective à aller au bout des choses. Le Parlement, dont la matière fiscale est la première raison d’être, doit absolument profiter de sa mandature pour approfondir cette grande réforme nécessaire au consentement à l’impôt. Or qui ne dit mot consent. 

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Par Jean-Baptiste BESSON

Consultant indépendant - Fondateur du Cabinet BESSON Conseil depuis 2010